Dans une usine il y a des moyens de production qui sont des investissements conséquents. Ces moyens de production constituent des coûts fixes, typiquement représentés dans les comptes sous forme d’amortissement.
Pour représenter les comptes de résultat de manière conforme aux normes comptables, et afin de relier les revenus des ventes et les coûts encourus pour réaliser celles-ci, ces coûts fixes sont répartis par unité de temps et par article.
On va par exemple calculer un taux horaire machine, dans lequel plusieurs ingrédients vont rentrer : des coûts d’énergie, un coût moyen de maintenance, l’amortissement annuel de l’investissement ramené à l’heure.
Ces calculs, on le voit bien, ne servent qu’à répartir des coûts pour présenter les comptes de l’entreprise sous un format normatif. Cette répartition de coût, à l’heure et finalement à l’article en fonction des produits fabriqués sur l’équipement, ne permettent pas de prendre des décisions. On le voit bien, mais la plupart des décisionnaires du quotidien ne le voient plus…
Quel est le coût d’un changement de série ?
Voici un exemple vécu dans une usine du secteur de la défense. Les clients de cette entreprise se plaignaient de délais trop longs. En analysant le déroulé des opérations au travers du process mining, il est apparu très vite que ces délais étaient largement liés au fait que sur une étape d’usinage les tailles de lot étaient importantes. Curieusement, le moyen de production en question n’était pas chargé – il était ouvert en 2x8 mais chargé seulement à un peu plus d’une équipe. Le temps de changement de série, en fonction des enchaînements, était de l’ordre de 30mn à une heure.
Ma première question a donc été : pourquoi ne pas réduire la taille de lot, par un facteur deux ou trois ? Faire cela était compatible avec le temps d’ouverture de 2 équipes, et n’aurait pas nécessité de recourir aux ressources de l’équipe de nuit en place.
La réponse ?
- « Parce qu’un changement de série coûte 2000€ ».
- « Comment savez-vous ça ? »
- « C’est ce qu’il y a dans SAP »
Argh. SAP étant la source de référence de la réalité supposée des coûts, le discours du consultant externe proposant de réduire les tailles de lot (et donc les délais et l’en-cours) par un facteur 2 n’étaient pas audibles. Il m’a même été rétorqué que l’entreprise était MRP2 Classe A – comme si cet argument renforçait la véracité du coût de changement de série.
Quel est le réel coût d’ajouter des changements supplémentaires sur un moyen non chargé ?
Il est marginal, et dans le cas concerné il était bien moindre que le coût induit par le délai trop long pour le client, par l’encours trop élevé, par les risques qualités, etc. – autant de choses superbement ignorées dans la représentation de coûts du système ERP.
L’illusion d’économiser des coûts fixes
L’essentiel du coût qui est représenté par le taux horaire de la machine est l’amortissement. Cet amortissement est un pur artifice comptable, qui représente la perte de valeur chaque année de l’investissement que nous avons fait, par exemple, il y a deux ans. Il y a deux ans, nous avions le choix de faire ou non l’acquisition de cet équipement. Aujourd’hui cet équipement est là, au quotidien nous n’avons que très peu de levier pour en réduire le coût. Il s’agit bien d’un coût fixe – que faire plus ou moins de changements de série ne va pas influencer.
De manière plus surprenante, à court terme, c’est-à-dire à l’horizon des décisions de nos responsables d’ateliers, la plupart de nos coûts sont fixes. Vous disposez d’un certain nombre de moyens de production, et augmenter cette capacité prend du temps. Vous disposez d’un certain nombre d’opérateurs formés et efficients, en recruter et former d’autres prend du temps.
Donc si vous demandez à vos responsables de production de réduire les coûts, vous les soumettez à une injonction grandement hors de leur portée au quotidien, car les coûts qu’ils contrôlent sont essentiellement fixes.
C’est même le cas pour les effectifs dits « direct ». La main d’œuvre directe est sensée être variable, proportionnellement au volume à fabriquer – mais la réalité est que, au moins pour les semaines à venir, vous ne pouvez que moduler à la marge cette capacité d’opérateurs formés pour réaliser vos produits. Il s’agit de fait aussi de coûts fixes.
Si tout est fixe, comment être agiles ?
En résumé, à court terme, l’essentiel de votre organisation et de vos capacités est fixe.
Donc pour être agiles ce sur quoi vous devez vous concentrer, c’est de faire circuler le flux le plus rapidement possible en fabriquant les bons produits – ceux que vous clients veulent vous acheter.
Dès lors que ce principe est compris et partagé avec vos équipes, l’horizon s’éclaircit !
Les vraies questions se posent alors :
- Quelle est la vraie demande client ?
- Quelles sont mes véritables contraintes ? Comment m’assurer qu’elles travaillent en permanence sur les bonnes priorités ?
- Quels sont les risques dont nous devons protéger nos flux ? Où positionner des buffers, de quel type et de quelle taille ?
- Comment prendre vite les meilleures décisions possibles ?
- Comment focaliser les équipes sur l’amélioration continue ?
Autant de questions auxquelles nous vous aidons à répondre avec Intuiflow…