La promesse d’agents autonomes
La toute dernière tendance en matière de supply chain repose sur les agents IA.
Baptisée « Agentic AI », cette technologie promet de permettre à l’intelligence artificielle d’effectuer des tâches de manière autonome, sans supervision humaine.
Cette technologie est souvent décrite comme le futur de la productivité en planification et exécution supply chain. C’est la hype du moment, selon les grands prêtres de la hype cyber… https://www.gartner.com/en/webinar/689201/1539147
C’est prometteur… mais totalement ignorant de l’état actuel de la majorité des systèmes de gestion des entreprises.
Un pas de géant irréaliste
Pour être exposés à la réalité des systèmes de gestion supply chain de nombreuses entreprises industrielles et de distribution, y compris des entreprises de tout premier plan, l’introduction d’agents AI va devoir sans doute attendre un peu – et passer d’abord par la structuration de données et de règles de gestion suivies par des agents humains. Appelons ça « Agentic HI » pour Human Intelligence…
La très grande majorité des entreprises se débat entre un système ERP inflexible, des données de qualité moyenne, de multiples feuilles Excel – et surtout elles sont confrontées à un manque crucial de principes de fonctionnement, d’alignement entre fonctions, de règles de gestion. Elles manquent d’un modèle opératoire clairement défini. Elles manquent de boucle de rétroaction pour améliorer le système. Elles sont confrontées en permanence à de la variabilité de politiques internes et de décisions managériales pas toujours rationnelles.
Insérer un agent AI dans un tel système, c’est ajouter un risque d’hallucination à un flux « garbage in / garbage out »…
Commencer par une discipline qui sera automatisable
Pour pouvoir automatiser, il faut modéliser. Modéliser signifie représenter la réalité physique et codifier les règles de gestion dans une solution numérique, à laquelle les humains que nous sommes pourront faire confiance. Une fois que nous aurons confiance, banco, on pourra automatiser et confier à une machine les opérations quotidiennes, ainsi qu’une partie du processus d’amélioration du modèle.
Prenons un exemple de base : la passation de commandes pour réapprovisionner un stock.
Si vous laissez vos approvisionneurs juger de la quantité à commander en fonction de prévisions dans laquelle ils n’ont pas confiance, d’une valeur de stock de sécurité qui a été établie il y a un moment par quelqu’un d’autre, et de la pression amicale du directeur qui ne veut pas de ruptures, il y a d’abord un chemin à parcourir avant de mettre de l’AI…
Vous pouvez établir un modèle de stock – appelons-le DDMRP – en assurer en permanence le bon dimensionnement – appelons-ça « Autopilot » – et définir une règle de gestion : lorsque l’équation de flux atteint the top du jaune, recompléter au top du vert.
Voilà, vous disposez d’un modèle de base. Vous pouvez en mesurer l’efficacité et l’améliorer. Et donc vous pourrez bientôt l’automatiser. Dans l’exemple ci-dessous la discipline est suivie et la performance est acceptable, on est prêts sans doute à confier à un agent IA autonome – ou simplement, dans un premier temps, à activer l’approbation automatique.
Si en revanche vous avez une situation du type ci-dessous, où votre approvisionneur ignore les recommandations et passe une énorme commande sans raison apparente, vous ne pourrez pas valider la pertinence de votre modèle opératoire.
Inutile dans ce cas de penser automatisation. Vous devez d’abord, avec vos équipes, valider le modèle et les règles de gestion, en assurant que la discipline définie est suivie au quotidien, et que vous orchestrez des revues de performance pour engager l’amélioration du modèle. Comment savoir si mon modèle de réapprovisionnement est efficace, si je n’en suis pas les recommandations ?
D’agents HI à superviseurs d’AI…
Notre recommandation dans la recherche de performance et de productivité est donc de commencer par mettre à contribution vos équipes pour valider le modèle opératoire qui correspond à vos flux. Dans ce processus vos planificateurs deviendront d’une part des superviseurs de ce modèle opératoire, et d’autre part des « agents HI », qui exécutent la discipline du modèle, dans bidouiller dans Excel… Une fois cette discipline bien établie il deviendra facile de transférer cette activité à un agent AI – et de recentrer vos planificateurs sur la surveillance du modèle et sur son adaptation à la réalité des marchés…