Des décennies de démarches Lean et de déploiement de démarches d’amélioration continue ont profondément changé le mode de fonctionnement d’un grand nombre d’entreprises.
Nous sommes passés d’une organisation traditionnelle avec une structure hiérarchique de chefs qui prennent les décisions et d’exécutants qui obéissent, à un réseau d’hommes et de femmes qui apportent chacun leur connaissance pour faire progresser la performance chaque jour un peu plus.
A la fin des années 90, j’avais assisté à l’exposé d’un dirigeant Japonais qui comparait les approches dominantes à cette époque là en occident et au Japon. Il soulignait qu’en occident nous progressions principalement par ruptures successives : investissements importants, nouvelles technologies, qui chaque fois nous faisait franchir un palier important, mais que lorsque nous étions sur ce palier, nous avions tendance à stagner, tout en préparant l’innovation de rupture suivante. Nous investissions dans un nouvel équipement, mais nous le laissions se détériorer, s’encrasser, se rouiller. A l’inverse affirmait-t-il avec un soupçon d’arrogance, nous japonais lorsque nous atteignons un palier nous n’arrêtons jamais d’essayer de nous améliorer, ce qui assure que nous restons en avance sur vous, et que la marche à sauter vers le palier suivant sera moins haute.
Nous reconnaissons désormais la puissance de cette démarche et l’avons largement adoptée. Nous sommes plus intelligents à plusieurs. Nous reconnaissons aussi la puissance de la formation et de l’accompagnement managérial pour aider l’ensemble de nos équipes à progresser, d’une part par la connaissance de méthodes et d’outils – résolution de problèmes, statistiques, 5S, DDMRP, etc. – et d’autre part par le partage de visions claires sur les valeurs communes et la direction dans laquelle va l’entreprise.
Je repensais à ça dernièrement en entendant l’objection d’une entreprise vis-à-vis de DDMRP : le dimensionnement des buffers, et en particulier de la zone rouge, lui semble trop simple, voire simpliste. Cette entreprise préfère étudier des approches plus sophistiquées : approches probabilistes, intelligence artificielle. Ça lui semble plus rassurant, plus scientifique.
Par ailleurs cette entreprise gère des dizaines de milliers de références, donc il faut de l’automatisation pour traiter de manière productive cette complexité. C’est légitime.
Ceux qui me connaissent savent que je suis un peu geek. Je me suis intéressé aux réseaux de neurones dès les années 90, j’ai essayé d’apprendre les bases de la « data science », et je me régale de la vulgarisation de ces approches au travers d’outils comme Power BI pour faire parler des jeux de données. Tout processus d’amélioration continue commence par de l’observation, de la mesure, et nous sommes de mieux en mieux outillés pour cela.
Je suis convaincu que l’intelligence artificielle peut aider à améliorer un modèle de pilotage supply chain. Nos travaux au sein de Demand Driven Technologies le confirment, mais ne pensons pas que ce sera l’alpha et l’oméga de la supply chain ! Bien que l’intelligence artificielle permette d’améliorer les performances de la supply chain, l’intelligence et l’implication humaines conserveront un rôle essentiel.
Par exemple, l’industrie a déjà fait l’expérience des phénomènes de boîte noire auxquels les planificateurs sont souvent confrontés, et qui les amènent à élaborer une logique compréhensible, hors système, sous Excel. L’intelligence artificielle porte en elle ce risque. Nous n’avons pas fait tout ce chemin pour remplacer le « chef qui sait » par « l’intelligence artificielle qui sait ».
N’oublions pas que la donnée que nous manipulons n’est pas que scientifique. Par exemple, la performance de livraison d’un fournisseur peut dépendre d’éléments intangibles : la qualité de la visibilité qu’on lui donne, l’attention qu’on lui porte, la qualité de la relation entre interlocuteurs de part et d’autre. Si vous appliquez un algorithme de machine learning aux historiques de livraison de votre fournisseur, ou à la demande de votre client, est-ce que ça raconte toute l’histoire, et est-ce que ça donne les vrais leviers d’amélioration ?
Je n’ai aucun doute que l’intelligence artificielle peut apporter une aide à la prise de décision, principalement en aidant les planificateurs à identifier les exceptions à analyser, et en donnant des pistes sur les réglages à ajuster.
Toutefois, le véritable moteur du progrès est la visibilité, qui alimente des boucles d’amélioration (PDCA) pilotées par les équipes. Ne soyez pas effrayé si le réglage initial de vos buffers est « à peu près bon ». C’est exactement la logique qui a apporté des progrès considérables au travers du kanban : on démarre de manière pragmatique, et ensuite on s’améliore.
Nous utilisons dans nos solutions un « Smart Buffer Profiler ». Cet assistant analyse les historiques et propose des profils de buffer pour l’ensemble des articles stockés. L’expérience montre que ce processus est très efficace, y compris sur des jeux de données comprenant des dizaines de milliers d’articles, et établit des dimensionnements pertinents. Pas exacts, pertinents !
Mais ce n’est que le début ! Le logiciel n’est pas si « smart » que ça, il ne connaît pas vraiment vos fournisseurs, vos moyens de production, la vie de vos articles, les biais comportementaux des acteurs de votre supply chain, il ne sait pas remettre en cause les contraintes de taille de lot ou de délai, etc. Ce sont vos équipes qui ont cette connaissance.
Bien plus que d’algorithmes de dimensionnement ou de prévision, ce dont vous avez besoin c’est de visibilité, de facilité de lecture et d’analyse, de collaboration et de vision partagée de ce qui est important, pour que vos équipes pilotent l’amélioration continue, votre meilleure alliée pour une supply chain toujours plus performante et adaptable.