Lorsque le monde se complexifie, un peu de nuance ne fait pas de mal… Une approche binaire ne résout en général pas les problèmes.
Cet adage s’applique aussi à la planification de nos supply chains.
Nos systèmes de gestion, par définition, sont binaires – exécutés sur des ordinateurs plus à l’aise avec des zéros et des uns, des vrais/faux, qu’avec une gradation progressive et nuancée.
La logique de calcul de besoin de nos systèmes ERP – qu’il s’agisse de distribution ou de production – va de pair avec ce principe. Le besoin calculé est exprimé comme étant une quantité pour une date. Tu dois réapprovisionner 10 000 pour le 3 mars. Si c’est respecté, c’est bien – sinon c’est mal.
Si vous ne pouvez pas réapprovisionner 10 000 mais seulement 7 500, est-ce que c’est suffisant pour assurer la continuité du flux ?
Si vous réapprovisionnez entre le 27 février et le 7 mars, est-ce que ça passe ? Quel est le niveau relatif de risque ?
Les approches de Théorie des Contraintes et Demand Driven viennent aider à mettre de la nuance et nous aident à prendre des décisions selon des gradations.
Dans la vraie vie, il s’agit souvent de traiter des priorités relatives.
J’ai un moyen de production dont la capacité est finie. Quel est le produit le plus important que je devrais fabriquer sur ce moyen aujourd’hui ? Combien de temps devrais-je le fabriquer avant de passer au produit dont la priorité relative est la suivante ?
J’ai besoin de réapprovisionner un conteneur au départ d’un fournisseur. Quel est l’assortiment d’articles que je devrais intégrer dans ce conteneur, en fonction de leurs priorités relatives ?
J’ai un stock insuffisant d’un article, comment puis-je répartir ce stock au mieux pour satisfaire mes clients ?
J’ai une file d’attente devant ce moyen de production, quel est l’OF qu’il vaut mieux passer d’abord ?
Je n’ai pas assez de cash ou de capacité pour investir dans un stock optimal, comment ajuster mes niveaux de stock de manière adaptée ?
Au travers de la formalisation de buffers Demand Driven – de stock, de temps, de capacité – on outille, et on rend routinières ces décisions basées sur une gradation de priorités relatives. Le pourcentage de consommation du buffer nous guide. Dans une file d’attente, il n’y a pas d’ambiguïté : traiter d’abord les rouges, puis les jaunes – en fonction de leur pourcentage.
Dans le réapprovisionnement du réseau de distribution, idem. Dans le remplissage du camion, dans la charge du moyen de production… et même dans les décisions financières pour arbitrer le S&OP, la logique se décline.
À notre ère digitale, il s’agit d’introduire un peu d’analogique – des potentiomètres à disposition de nos planificateurs pour ajuster et préserver le flux.
Attention cependant, pour que cette logique soit efficace il faut souvent remettre en cause quelques données techniques ou paramètres de gestion. Un ajustement en continu, avec nuances, requiert une fréquence d’adaptation suffisamment élevée, pour des décisions incrémentales.
Ceci peut vouloir dire réapprovisionner par colis plutôt que par palette complète, des ordres de fabrication à la journée plutôt que des campagnes au mois, remettre en cause les horizons figés, des conteneurs mixtes plutôt que mono référence, etc. En bref, construire de l’agilité dans nos modèles…