L’animation à intervalle court dans l’atelier
Dans nos usines, une pratique s’est imposée : l’animation à intervalle court. Des points d’équipe sont tenus avec les opérateurs, on passe en revue ce qui s’est passé ces dernières heures, les priorités de l’équipe à venir, le statut des actions en cours et les problèmes à résoudre. Ce même rituel est répété par secteur et au niveau de l’usine. C’est quotidien.
Ce processus présente des avantages et des inconvénients.
C’est très (parfois trop) focalisé sur le court terme : on adapte le fonctionnement pour les heures à venir. Ce n’est pas destiné à mener des améliorations de fond – pour cela il faudra d’autres processus – équipes projet, kaizen events, etc.
Mais les bénéfices sont multiples : alignement des équipes par une transparence des informations, adaptation en continu – c’est pourquoi ce processus s’est imposé dans la majorité des entreprises.
Une supply chain conventionnelle orchestrée à intervalle long
Dans le management conventionnel de la supply chain, on suit un rythme d’adaptation plus lent. On fait un budget annuel, un S&OP mensuel (parfois moins fréquent), un programme directeur de production (et parfois des approvisionnements) hebdomadaire, des générations d’ordre et un suivi d’exécution quotidien. On s’impose aussi des horizons figés.
Nous disposons donc de tout un arsenal pour… différer notre adaptation aux évènements ?
Cette orchestration business plan / S&OP / MPS / MRP / PAC ne date pas d’hier. J’y ai été formé dans le cadre de ma formation APICS à la fin des années 80 – argh ! il y a 35 ans…
Soyons clair, une partie de ce processus était lié aux limitations technologiques de l’époque. Par exemple, pour faire un S&OP, on devait attendre la fin du mois pour disposer des ventes, extraire les données des systèmes de l’entreprise pour les manipuler dans un tableur, ensuite engager un processus d’échange avec les équipes commerciales pour ajuster les prévisions, avec la production et les fournisseurs clés pour comprendre les contraintes capacitaires, réconcilier les stocks, projeter un plan, faire arbitrer l’équipe de direction, etc. C’était long et laborieux.
Je parle à l’imparfait, car ce que je décris ne se fait plus dans les entreprises du 21ème siècle, non ? Euh…Non, n’est-ce pas ?
La donnée est aujourd’hui disponible
La technologie moderne permet de disposer à tout moment de données réconciliées à jour. Cependant, pour que les processus de pilotage permettent de prendre les bonnes mesures d’adaptation à partir de ces données disponibles en quasi-temps réel, il faut rendre ces données actionnables. Des données disponibles en temps réel mais mal exploitées peuvent conduire à un système trop nerveux, voire chaotique.
L’information n’est utile que si elle permet de prendre des décisions. Le problème n’est plus l’accès à l’information. Le problème est de savoir exploiter cette information.
En fonction de votre rôle dans l’entreprise, les décisions qui sont dans votre domaine de responsabilité ou d’influence ont une portée sur un horizon différent.
Court terme
Revenons dans l’atelier. Si vous êtes impliqué dans ces animations à intervalle court, vous devez disposer de l’information qui permet d’aligner les équipes sur ce qu’il faut faire dans les heures à venir. Quel sont les produits les plus prioritaires à fabriquer ? Est-ce qu’on dispose de tous les composants nécessaires, de l’outillage, du programme cnc, du personnel qualifié, etc. ? Devons-nous déplacer des ressources pour rattraper du retard ou au contraire éviter une surproduction ?
A cet horizon nous tirons partie du flux tiré, du pilotage par les contraintes et par les files d’attente (tableaux buffers de temps). D’un coup d’œil, les animations à intervalle court disposent de l’information avance / retard / priorité et les équipes sont autonomes pour s’adapter.
Moyen et long terme
Ce n’est pas parce que l’horizon sur lequel porte les décisions à prendre est plus long que vous pouvez vous permettre de perdre du temps, avec des boucles longues de processus.
Les décisions qui doivent être prises sur un horizon plus long sont aussi des décisions de plus grande ampleur, qui donc vont impliquer plus d’efforts de mise en œuvre, et de plus grands risques. Vous devez donc décider vite, lorsque qu’un besoin d’adaptation est identifié et qu’il est pertinent d’agir, pour pouvoir vous concentrer sur l’exécution de ces décisions.
La disponibilité en continu des données doit donc être mise à profit pour identifier au plus tôt les vrais besoins d’adaptation de votre trajectoire. Vos prévisions, vos projections de besoins, vos projections de risque d’approvisionnement, vos prévisions, vos projections charge / capacité et les enjeux financiers de ces projections doivent être en permanence actualisés lorsqu’une information évolue, tous les jours, de manière routinière – sans attendre par exemple une échéance de fin de mois.
L’enjeu à partir de cette vue mise à jour en continu est de détecter les points d’inflexion qui font qu’il faut se poser et décider d’une adaptation de la trajectoire – et de l’évaluation de scénarios alternatifs.
Un modèle opératoire bien conçu est nécessaire pour identifier ces points d’inflexion. La technologie aide aussi à cela : grâce aux outils de Business Intelligence qui scrutent en permanence les historiques et les projections, éventuellement avec une touche d’AI pour synthétiser, les décisionnaires sont alertés au moment voulu.
Le S&OP à intervalle court
Nous pensons que le temps de processus S&OP long et fastidieux orchestrés de manière rigide est révolu. Dès que des informations significatives induisent une adaptation, celle-ci doit être considérée. Au-delà des technologies mises en œuvre cela induit une délégation adéquate des prises de décision, et un déclenchement fluide des arbitrages à niveau Direction lorsque c’est requis.