Que vous soyez dans le domaine industriel, de la distribution ou des ventes, il y a de fortes chances qui vous soyez soumis au dictat des fins de période.
Fin de mois, fin de trimestre, fin d’année – il faut tout faire pour faire le chiffre, atteindre le résultat de P&L, atteindre le niveau de stock, etc.
Que se passe-t-il réellement en fin de période du point de vue de la demande ? En général rien de spécial. Et pourtant encore de nombreuses usines stressent leurs processus pour expédier le maximum dans la dernière semaine du mois.
Nous avons sans doute tous des histoires vécues sur le sujet.
Dans ma toute première usine, chez Philips, je m’étais amusé à faire un graphe de la valeur des stocks au quotidien. Chaque mois était caractérisé par une courbe en cloche, avec un point bas en début et fin de mois… On expédiait tout ce qu’on pouvait en fin de mois, et on ne réceptionnait que le strict minimum.
Chez un grand équipementier automobile, en fin d’année le directeur des achats m’a demandé de commander une quantité colossale d’aluminium, pour atteindre le niveau déclenchant un rabais, et faire l’indice achat. J’avais la charge de la supply chain et nous n’avions absolument pas besoin de ces volumes. Effectivement la demande avait été tout au long de l’année en deçà des prévisions d’achat, et en plus on avait baissé nos stocks au travers de démarches Lean. Il a vraiment fallu se bagarrer pour ne pas commander ces volumes.
Dans une entreprise de dispositifs médicaux, nous avions en fin d’année fiscale un « sales push ». Tous nos commerciaux forçaient au maximum pour atteindre leurs quotas et déclencher leur bonus. On faisait 30% de plus ce trimestre-là. Et 30% de moins le trimestre suivant. Il faut dire qu’on livrait des hôpitaux, dont la consommation était régulière et totalement indifférente à notre propre fin d’année fiscale.
Je suis sûr que vous avez en tête des exemples similaires dans vos propres entreprises.
Une déformation du signal coûteuse
Dans l’entreprise de dispositifs médicaux à laquelle je fais référence, nous partions d’une demande du marché stable, et nous nous infligions nous-même une énorme fluctuation. Nos fournisseurs et nos usines devaient tourner à fond pour anticiper et sécuriser le « sales push ». Puis il fallait sauter sur le frein. Inutile de préciser que nous devions prévoir environ 6 mois à l’avance le contenu de ce « sales push », et que la réalité ne collait jamais avec nos prévisions, donc on se retrouvait avec des surstocks et des ruptures.
Raconté comme ça, vous allez me dire qu’il était évident qu’on devait changer ça, mais je peux vous assurer que dans cette entreprise ceci n’était à aucun moment questionné – c’était la manière donc le business fonctionnait. Bon courage au grand patron qui aurait la témérité de s’attaquer à ce « sales push », et qui donc ferait une année fiscale faiblarde. Il n’aurait sans doute pas le temps de démontrer aux actionnaires qu’on rattraperait le semestre suivant…
Dis-moi comment tu me mesures…
« Dis-moi comment tu me mesures et je te dirai comment je vais me comporter. Si tu me mesures d’une manière illogique ne te plains pas si j’agis illogiquement ». Eli Goldratt
Nous avons besoin de mesures et d’objectifs. Ces mesures et objectifs doivent être définies dans le temps, et mesurées par période. Il semble donc inéluctable de générer un stress sur des fins de période.
Cela étant, nous devons assurer la croissance et la pérennité de l’entreprise. Ceci va bien au-delà de la fin de la période en cours. Nous devons aller au-delà du stress du court terme pour s’inscrire sur une trajectoire de succès à long terme.
Que pouvons-nous faire ?
L’enjeu est de limiter l’impact de distorsions de la demande que nous nous auto-infligeons par nos politiques ou habitudes internes.
Selon votre position dans l’entreprise vous avez plus ou moins de leviers pour influencer les modes de fonctionnement et les infléchir vers une adaptation graduelle à la demande réelle – ce qui est bien le cœur du sujet « Demand Driven ».
Plus il y aura une compréhension partagée, au sein de l’entreprise et de ces actionnaires, sur les effets pervers des mesures en place et sur les principes Demand Driven, mieux ce sera. A votre échelle, vous devez évangéliser autour de vous.
En mettant en œuvre des mécaniques de flux tiré, vous allez aussi contribuer à amortir ces phénomènes délétères.
En focalisant sur les réels besoins de vos clients, vous allez contrer une partie des distorsions internes.
En établissant des KPIS centrés sur les flux vous allez donner de la visibilité et du sens.
En évitant de suremballer les prévisions dans un sens ou dans un autre, en moyennant le rythme de la demande sur des périodes étendues, vous contribuerez à plus de stabilité.
Ne vous bercez pas d’illusions : faire évoluer ces pratiques prend du temps et requiert de la persuasion et de l’énergie, mais l’enjeu est grand.
Le pouvoir des BHAGs
Insister sur des mesures et d’objectifs n’est pas une mauvaise chose. C’est la manière de piloter cette atteinte des objectifs qui cause les effets pervers.
Dans une des entreprises pour laquelle je travaillais, le patron des opérations monde nous a donné un objectif BHAG (Big Hairy Audacious Goal) – un objectif ambitieux conçu pour aider l’entreprise à se dépasser.
Cet objectif était simple : « sur les 12 mois à venir, d’ici la prochaine fin d’année fiscale, vous devez réduire vos stocks de 30 à 40% MAIS en changeant radicalement vos processus et sans détériorer le service. Vos leviers sont les fréquences de commande (passer du mois à la semaine ou à la journée), les minimums de commande, les délais et le flux tiré. »
Cet objectif, mal piloté, aurait pu être désastreux.
Bien piloté, avec des avancements mensuels basés sur les transformations de processus et non sur les résultats bruts du mois en cours, il a délivré des résultats au-delà des espérances.
Combattez avec vos moyens le court-termisme des fins de périodes, donnez de la visibilité end to end avec Intuiflow, et concentrez votre attention et l’énergie de vos équipes sur les processus d’adaptation !