La variabilité, l’ennemi du flux
Tout praticien de la supply chain le sait : la variabilité est délétère – c’est la variabilité qui va à l’encontre de notre aptitude à disposer du bon produit au bon endroit au bon moment pour satisfaire un besoin client et donc sécuriser ou accroître les revenus de notre entreprise.
Certains ont caractérisé la variabilité comme constituant des « anti-flux » – des perturbations qui altèrent le flux, c’est-à-dire l’essence même de la supply chain. Les Muda, Muri, Mura du système de production Toyota, la réduction de variabilité au cœur du 6 Sigma – l’importance de réduire la variabilité pour se concentrer sur la valeur apportée aux clients est au cœur des méthodologies d’excellence opérationnelle.
Tout cela a été documenté depuis longtemps. Toutefois, lorsque vous avez la charge d’un maillon d’une supply chain, vous vous sentez souvent démuni. D’accord pour réduire la variabilité, mais comment on s’y prend, sachant qu’on passe le plus clair de notre énergie à se faire balloter par le dernier évènement en date et à colmater la brèche de l’urgence du jour ?
Les formes de variabilité
Le Demand Driven Institute a très bien documenté l’articulation de quatre types de variabilité :
- La variabilité de la demande.
- La variabilité d’approvisionnement.
- La variabilité opérationnelle.
- La variabilité managériale
Historiquement, les disciplines de planification supply chain se sont focalisées sur la première de ces variabilités – la variabilité de la demande – au détriment des autres. Faire des prévisions de vente, en mesurer la fiabilité et travailler à augmenter cette fiabilité ont été longtemps l’alpha et l’omega des approches de planification supply chain.
L’expérience montre que ces autres variabilités ont autant voire plus d’impact. C’est le cas en particulier la dernière d’entre elles, la variabilité issue de nos décisions, de nos biais cognitifs et comportementaux, de nos politiques implicites ou implicites, des changements d’orientations stratégiques – c’est souvent elle qui inflige le plus de dégâts.
Ce qui est vrai au niveau géopolitique – de l’Ukraine au commerce mondial – la volonté d’un seul homme peut engendrer une variabilité extrême – est aussi vrai dans le monde de l’entreprise…
Comment combattre la variabilité ?
Ou plutôt, comment faire pour que la variabilité fasse le moins de dégâts possible ?
1 – Capter le bon signal de demande
Le vrai signal de demande est la demande réelle, la consommation par des clients. Tout autre signal est une hypothèse. Donc vous devez faire votre possible pour cadencer vos flux sur la consommation – et pour aller chercher ce signal de consommation le plus en aval possible dans la chaîne. Cet article peut vous aider à capter la demande réelle.
Lorsque vous avez besoin de faire des hypothèses (des prévisions), vous devez le faire au niveau le plus agrégé possible
2 – Insérer des amortisseurs
Quelle que soit la qualité de votre plan initial, la loi de Murphy va frapper. La demande réelle sera surprenante. La machine va tomber en panne. Il va y avoir des problèmes qualité, etc. Vous avez donc besoin de buffers pour protéger vos flux et amortir la variabilité.
3 – Intégrer l’inertie et le rythme
La réalité des marchés et des approvisionnements est qu’il y a beaucoup d’inertie. La consommation des consommateurs finaux est stable. Un flux d’approvisionnement ne se reconfigure pas du jour au lendemain, une usine ne change pas de pays en 90 jours. Certes il y a quelques cygnes noirs, mais la très grande majorité des flux de demande et d’approvisionnement présentent une inertie importante.
Les systèmes humains et informatiques que nous utilisons pour planifier nos opérations n’éprouvent aucune difficulté à imaginer une demande très différente d’un mois sur l’autre, une amélioration drastique de la capacité, et de surestimer l’impact de décisions pour changer de direction. Combien de cycles S&OP supposent des discontinuités qui ne se réaliseront pas ?
La vérité est que les flux ne peuvent être reconfigurés que progressivement, et que vous devez établir pour vos opérations un rythme porteur – cadence moyenne jour, prévision moyenne jour – appliqué à vos étapes clés. Le flux est une musique, filtrez le bruit et établissez la mélodie !
4 – Piloter l’amélioration continue
Pour réduire la variabilité, il faut réduire la dispersion issue des processus. Les praticiens du 6 Sigma connaissent ça depuis longtemps, mais ces principes de contrôle statistique des procédés ne sont pas intégrés naturellement à nos systèmes de pilotage. Il n’y a pas de carte de contrôle dans votre ERP préféré.
Avec les règles de pilotage intégrées dans Intuiflow, les détections d’anomalies, le travail par exception et le BI intégré vous disposez des leviers pour animer avec vos équipes l’amélioration continue.
5 – Aligner les équipes et éviter la variabilité auto infligée
Last but not least, pour lutter contre la principale variabilité, la variabilité managériale – la variabilité issue de nos décisions, de nos biais cognitifs et comportementaux, de nos politiques implicites ou implicites, des changements d’orientations stratégiques – la solution est dans l’alignement des équipes :
- Le partage de principes de planification et d’exécution communs – les formations du Demand Driven Institute contribuent à cela.
- La co-construction du modèle de supply chain avec les équipes, pour une compréhension et une responsabilité commune.
- Des signaux clairs, tant au niveau opérationnel (priorités) qu’au niveau du reporting et de l’analyse de performance.
- Des points de rencontre orchestrés – en particulier un processus S&OP centré sur l’adaptation à un environnement changeant et sur la liaison entre pilotage stratégique et opérationnel.