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Historique, prévision, ou les deux ?

Par Bernard Milian
demand-based forecasts

Pour dimensionner nos stocks, réapprovisionner nos produits, nous avons besoin d’utiliser une hypothèse de demande. Dans une approche Demand Driven la supply chain est cadencée sur la base des consommations réelles, mais pour qu’il y ait consommation, il faut que cette consommation ait été amorcée par des produits disponibles, approvisionnés sur une hypothèse de demande.

Les buffers DDMRP sont dimensionnés, et adaptés en continu, en utilisant une consommation moyenne par jour. Cette consommation moyenne journalière fait l’objet d’une règle de calcul déterminée lors de la conception du modèle, et ajustée si besoin.

Bien entendu, cette consommation moyenne par jour est une estimation. La consommation réelle des jours à venir va différer de cette estimation. L’objectif est donc d’établir une règle de calcul de consommation moyenne jour qui va être raisonnable pour que les buffers calculés répondent correctement dans la plage des demandes réelles à laquelle nous allons être exposés.

Dans un monde VUCA, le passé n’est plus un prédicteur du futur

Nous voilà pris dans un dilemme. De quoi disposons-nous pour évaluer une consommation moyenne jour ? Nous disposons d’historiques de consommation. Nous disposons aussi d’indications sur des évènements futurs qui pourraient influencer ces consommations. Ou pas.

Nous savons aussi que notre environnement est de plus en plus volatil, incertain, complexe, ambigüe – ce qui signifie que le futur ne peut pas simplement être dérivé du passé. Nous voilà bien.

Lorsque nous avons conçu notre modèle Demand Driven, nous avons tout de même pris soin de positionner des points de découplage de manière que nous délais sur chaque position stockée soient réduits, et nous permettent donc une adaptation de notre supply chain de loin en loin. Ça veut dire que si notre consommation réelle diffère significativement de la consommation moyenne jour utilisée pour dimensionner nos buffers, nous allons nous adapter plus rapidement.

Le faux débat des prévisions

Vous avez peut-être remarqué que depuis le début de cet article nous parlons « d’hypothèse de demande » et autre « estimation ». J’ai fait attention à ne pas utiliser le vocable de « prévision ». Je l’ai fait à dessein pour ne pas déclencher un débat.

La prévision est devenue au fil des décennies, dans de nombreuses entreprises, une discipline à part entière, avec des équipes dédiées, des « demand reviews », des logiciels sophistiqués à base d’IA et de prédictif, d’approches probabilistes, etc. Pour autant la fiabilité des prévisions stagne voire se dégrade, tout simplement car l’environnement est de moins en moins prévisible. On passe d’ailleurs dans plusieurs entreprises beaucoup d’énergie à mesurer la fiabilité des prévisions et à se disputer sur la meilleure manière de la mesurer – bias, mape, wmape, forecast added value, etc.

Plusieurs études montrent d’ailleurs que souvent le consensus issu du processus de prévision collaborative ne donne pas statistiquement un résultat bien meilleur que ce qu’aurait donné une prévision « naïve » à base par exemple de lissage exponentiel simple. Bref on dépense beaucoup de ressources, pour un résultat en général décevant.

Aha ! Intervient alors le converti au Demand Driven, je vous l’avais dit : rien de mieux que la demande réelle, LA consommation moyenne journalière.

Mais il nous faut établir une règle de calcul pour calculer celle-ci. Si nous basons notre calcul sur l’historique, il nous faut déterminer un horizon, et dépolluer nos historiques des points aberrants. Il nous faut aussi tenir compte de notre croissance ou de notre saisonnalité.

Bref, il nous faut appliquer des techniques typiques … de processus de prévision.

Historique, prévisions, ou les deux ?

Quelques recommandations acquises au fil des mises en œuvre de transformation Demand Driven :

Si vous ne disposez pas de prévisions :

  • Calculer la consommation moyenne jour sur base d’historique, et affecter des facteurs de croissance ou de saisonnalité.
  • Vous pouvez aussi créer une pseudo prévision pour projeter dans le module S&OP des hypothèses issues de l’historique : projeter sur base de l’année dernière avec des coefficients de correction par exemple – et évaluer différents scénarios.

Si vous disposez de prévisions :

  • Calculer pour chaque article la consommation moyenne jour historique, ainsi que la prévision moyenne jour. A noter que ces deux mesures sont des moyennes sur des horizons définis, pour lisser le bruit.
  • Comparer ces deux mesures, et déterminer pour chaque article la mesure qui a le plus de sens : historique, prévision ou mix des deux. Cette détermination peut être réalisée soit à l’article en fonction de la connaissance du planificateur, soit en masse selon des règles – qui par exemple tiennent compte du cycle de vie des articles, d’évènements promotionnels.

Quelques exemples :

  • Pour des nouveaux produits, utiliser la prévision, ou bien un mimétisme du / des produits remplacés par ce nouveau produit.
  • Pour des produits promotionnés – basculer sur prévision au moins en début et fin de promo.
  • Pour un produit mature : historique ou mix donnent en général de meilleurs résultats.

Comment établir la consommation jour sur les composants ?

Les réflexions précédentes s’appliquent directement à des produits finis / à des articles exposés à une demande indépendante.

Pour des composants aux niveaux inférieurs des nomenclatures, ou en amont du réseau de distribution, lorsqu’on dispose de prévisions sur les parents nous recommandons d’activer l’explosion des prévisions sur les enfants.

Cette décomposition peut être soit réalisée soit comme :

  • Déclinaison des ventes quotidiennes projetées sur les parents, en prenant en compte les coefficients de nomenclature et décalages de délai – on explose le rythme de vente.
  • Rythme de consommation sur les articles enfants sur base des fluctuations projetées de stock sur les niveaux parents. Cette deuxième méthode permet d’aligner les buffers des enfants sur les prises d’avance, ou sur les limitations liées à des contraintes capacitaires. Elle est préférable mais nécessite d’avoir une bonne maturité de gestion du DDS&OP.

Historique par défaut, prévisions par exception ?
Prévisions par défaut, historique par exception ?

A peu près correct est mieux que précisément faux… La consommation moyenne jour utilisée pour dimensionner vos boucles de réapprovisionnement reste une estimation – il est donc plus important d’être pragmatique que d’être scientifiquement précis.

Nous avons des clients qui utilisent par défaut l’historique – car il est pour eux moins entaché de biais – sauf pour les périodes promotionnelles où par exception ils basculent sur prévisions.

Nous avons des clients qui par défaut dimensionnent sur prévision – en particulier sur les produits finis – car ils jugent que la discipline de prévision est raisonnable – et par exception basculent sur historique. Parfois ce choix initial a été fait pour des raisons d’acceptabilité : on venait d’une logique fortement centrée sur les prévisions, ne nous lâchons pas des deux mains…

Dans tous les cas, surveillez le comportement de vos buffers : s’ils descendent trop bas ou montent trop haut et que vous corrélez ceci à une inadéquation du mode de calcul (là on aurait mieux fait de calculer sur prévision/historique/mix), adaptez-vous.

Adaptez directement le mode de calcul en fonction du résultat sur le comportement de vos stocks et de vos délais, plutôt que d’essayer vainement d’améliorer la fiabilité de vos prévisions… ce qui compte c’est le résultat pour vos clients !

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