Avant de décider d’investir des ressources de l’entreprise dans un projet de transformation supply chain, nous avons besoin de démontrer un retour sur investissement. Cet exercice bute souvent sur une question : si je réduis les stocks de X%, qu’est-ce que ça économise ?
A l’inverse, si ma nouvelle organisation implique une augmentation des stocks, comment prendre en compte les coûts induits ?
L’exigence d’évaluer un retour sur investissement requiert de définir un montant induit… mais en même temps on se rend bien compte qu’il y a des impondérables et que le coût réel d’un stock n’est pas une simple équation financière. Il y a dans l’équation coûts réellement variables, mais aussi des coûts fixes explicites ou implicites, des évaluations de risques (d’obsolescence, de ruptures, de détérioration), des alternatives d’investissement, etc.
Exprimer le coût de possession en pourcentage ?
J’ai travaillé dans des groupes internationaux dans lesquels un coût de possession des stocks était défini dans les normes financières du groupe. Si vous explorez un peu la littérature sur le sujet on vous proposera un pourcentage de l’ordre de 15 à 30%. Ceci signifie que si vous portez un stock de 1M€ ça induira un coût annuel de 150 à 300k€.
Disposer de ce type de pourcentage aide bien à monter un dossier d’investissement : on évalue les montants de stocks avant/après, on applique le taux défini pour l’entreprise (22% par exemple), et le tour est joué. Nous allons économiser 220k€ par an.
Définir une convention de coût de possession de stock au niveau de l’entreprise présente de multiples avantages :
- On assume le fait qu’il s’agit d’un coût dont la réalité est difficile à appréhender au cas le cas.
- Ça simplifie les débats – c’est officiel, c’est la Finance qui a dit.
- Ça simplifie les calculs.
- Ça permet de moduler les décisions en fonction des priorités de l’entreprise : si la priorité est à libérer du cash, augmentons le coût facial de possession de stock, ça incitera à prendre des décisions dans le sens voulu.
On sent bien quand même qu’il y a une approximation grossière. Si mon stock est à péremption courte et subit une demande hautement variable, peut être que je devrais évaluer différemment qu’un stock d’un produit sans péremption et dont la demande est stable. Si mon stock est très volumineux, contient des matières dangereuses ou requiert une température contrôlée ça induit sans doute des coûts de stockage plus élevés.
Analyser les alternatives
La meilleure manière d’évaluer l’impact d’un changement est d’évaluer les alternatives : que se passe-t-il si je mène le projet A, ou le projet B, ou si je ne fais rien ?
En face d’un projet spécifique, vous pouvez donc mener une étude dédiée, et essayer d’identifier :
- Vos coûts variables. Par exemple si vos stocks sont gérés par un prestataire, quel est le coût variable à la palette ? C’est facile à appréhender.
- Vos risques spécifiques d’obsolescence, de péremption, ou de détérioration physique. C’est plus empirique. Quel est votre taux annuel historique de destruction ou de discount, en fonction de la nature des biens concernés ?
- Vos coûts variables par palier. En fonction de votre niveau de stock, peut être avez-vous besoin d’un entrepôt de moins, d’un manutentionnaire de moins ? Quel sera l’impact du projet sur les coûts fixes ?
- Votre coût d’immobilisation de capital. Aïe. On rentre encore plus dans la complexité et l’intangible, car ça dépend de la facilité d’accès de l’entreprise aux capitaux, ainsi qu’aux opportunités autres. Vous pouvez investir 1M€ dans un stock, ou bien l’investir dans un nouveau moyen de production, ou dans un effort de R&D pour innover – quels vont être les rentabilités comparées de ces alternatives ?
- Vos risques spécifiques de ruptures / de ventes perdues / d’atteinte à la réputation de l’entreprise, de fidélisation de la clientèle et de croissance des revenus futurs ? Bon courage pour définir une valeur associée…
Mener une analyse circonstanciée permet de se poser les bonnes questions, et donc d’orienter la décision, mais il est clair qu’un manipule une part d’éléments impondérables. Au bout du bout vous investirez dans le projet si vous arrivez à convaincre une équipe de décisionnaires que c’est une bonne chose pour l’entreprise.
Le stock est un investissement
L’équation est simple : le bon stock est celui qui se vend. Un certain investissement en stock est requis pour assurer le flux d’affaires, pour répondre aux attentes du marché.
Si vous investissez plus, vous allez immobiliser davantage de ressources, vous allez perdre en agilité car vous devez écouler les stocks d’abord, vous risquez de l’obsolescence.
Si vous investissez moins, vous fragilisez vos flux, risquez les ruptures, les pertes de ventes et la détérioration de votre réputation.
La santé des stocks plutôt que leur coût
Pour minimiser le coût de possession des stocks, il s’agit donc de s’assurer en permanence qu’on dispose du bon stock, aligné sur la demande / permettant un flux sécurisé et rapide.
Ça suppose de piloter les stocks et non de les subir, et de décider des achats et des productions de manière à répondre à la demande réelle. Plus importante qu’une estimation hypothétique des coûts, c’est la santé des stocks qui doit être mesurée et progresser : améliorer la distribution bimodale, réduire délais et en-cours, augmenter les fréquences dans le cadre des capacités, c’est cela qui assurera la rentabilité…