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Boucle Kanban ou buffer DDMRP ?

Par Bernard Milian
Kanban DDMRP Buffer

Quand on évoque aux jeunes générations un tableau Kanban, elles ont immédiatement en tête un tableau de visualisation des tâches à faire / en cours / réalisées – et la méthode de conduite de projet en mode Agile. Faites-donc une recherche web, c’est ce que vous trouverez…

Pour les vétérans dont je suis, une boucle Kanban est une méthode de gestion de réapprovisionnement – lorsque le poste aval / le client consomme, cette consommation engendre un signal au poste amont / fournisseur, pour autoriser le réapprovisionnement.

Quelque chose comme ça :

A Kanban loop visualized

Ce mode de fonctionnement présente plusieurs bénéfices :

  • Le flux est tiré par la consommation réelle en aval. Lorsqu’il n’y a pas de besoin, inutile d’accumuler du stock. Si on consomme plus vite, on appelle plus d’approvisionnements, en temps réel. C’est du bon sens.
  • On dimensionne une boucle (nombre de bacs / de cartes / quantité totale). Le stock en cours ne pourra jamais dépasser cette boucle.
  • Le système est en général très visuel, avec tableaux de visualisation.

Inventée au japon au milieu du 20ème siècle, la méthode kanban a fait l’objet d’enrichissements au fil de son déploiement, notamment dans l’industrie automobile, avec des tableaux d’accumulation pour constituer des lots, des mécanismes Heijunka pour lisser la charge, des tableaux lanceurs pour gérer les séquences, etc. A l’origine basée sur des tableaux et des cartes physiques, des versions électroniques ont été développées pour faciliter la gestion des boucles et répondre aux besoins de dématérialisation.

Une boucle de réapprovisionnement pilotée par buffer DDMRP ressemble quant à elle à ça :

DDMRP buffer-driven replenishment loop

Ça ressemble fortement, non ?

Les principes de fonctionnement de base sont clairement les mêmes : il s’agit de flux tiré, piloté par la demande réelle en aval. L’en-cours est dimensionné par la boucle, et le fournisseur ne peut pas pousser plus que le signal déclenché par la demande réelle.

Tout ça pour ça ? Est-ce qu’on est en train de s’enthousiasmer pour le rebranding d’un concept japonais de 1950 ? Juste de quoi intéresser au flux tiré les jeunes générations de planificateurs digital natives ?…

Pas tout à fait. Le constat que nous faisons tous est que le flux tiré, après des décennies d’existence, reste minoritaire pour piloter les supply chains. Le MRP – dont les faiblesses sont pourtant connues et reconnues depuis au moins les années 90 – est prédominant.

La promesse d’un buffer de stock DDMRP est de mieux répondre à la variabilité qu’une boucle kanban. C’est un fait : une boucle kanban répond très bien lorsqu’il y a un flux significatif et stable. Lorsque la demande est plus variable, saisonnière, liée à des évènements, erratique – c’est compliqué.

Un buffer DDMRP répond bien mieux dans un environnement variable, comme l’ont démontré les déploiements menés depuis plus de dix ans, ainsi que par la recherche académique dès 2018.

Quelles sont les différences objectives dans le mécanisme d’une boucle DDMRP ?

Boucle dynamique

Un buffer DDMRP est dynamique, la taille de la boucle s’adapte en fonction de l’évolution de la demande – historique ou prévisionnelle. Finis les ajustements de nombre de cartes fastidieux du kanban.

Cette caractéristique peut exister dans un modèle de kanban, en particulier de kanban électronique – mais elle est particulièrement bien outillée dans une boucle DDMRP.

Demande qualifiée

L’équation de flux prend en compte une portion de la demande, alors que le kanban ne réagit que lorsque la consommation est effectuée. Voyez-vous la différence entre les deux schémas ci-dessus ? Dans un cas on ne regarde que la consommation, dans l’autre cas la « demande qualifiée ». Ceci permet de mieux réagir à une demande variable.

La demande qualifiée prend en compte trois composantes :

  • La demande dans le passé / le retard. Un kanban ne réagissant qu’à la consommation ignore ce retard et n’autorisera d’augmenter l’approvisionnement que lorsqu’on commencera à rattraper le retard. Au maximum, si la boucle kanban est vide, la quantité totale de la boucle kanban sera en commande côté fournisseur. Dans une boucle DDMRP, l’équation de flux peut être négative à cause de retard accumulés, et donc on commande davantage.
  • La demande du jour. Par rapport à un kanban on ne fait qu’anticiper ce qu’on devra expédier aujourd’hui – ce qui dans la pratique anticipe de quelques heures un évènement de consommation réputé certain.
  • Les pics de demande dans un horizon futur défini. Pour gérer cela dans un kanban conventionnel il faut détecter qu’on va avoir une demande exceptionnelle, et injecter dans la boucle un nombre de cartes « à usage unique » pour couvrir cette demande par un appro ponctuel. Ce mécanisme est systématique / industrialisé dans un buffer DDMRP.

Cette caractéristique requiert cependant une rigueur de gestion, car le signal de « demande qualifiée doit être propre.

Le fait de prendre en compte une partie de la demande permet à la quantité de réapprovisionnement d’excéder la taille du buffer. Certains pourraient considérer que c’est plus laxiste qu’un kanban, qui bride systématiquement la quantité en commande.

Par exemple il est important, si vous appliquez dans une usine une boucle DDMRP à des articles enfants, que les ordres de fabrication des articles parents soient positionnés dans le futur et qu’ils soient le reflet de ce que vous saurez fabriquer.

Exécution : FIFO ou pas

Dans la phase d’exécution, la priorité des ordres d’approvisionnement dans une boucle kanban est en général traitée en FIFO. Ce n’est pas le cas pour une boucle DDMRP, pour laquelle on va ajuster les priorités en continu en fonction de la santé du stock qui est en aval. Tout particulièrement dans le cas de boucles longues cette différence est essentielle.

Boucle hybride tirée / poussée

Une boucle DDMRP intègre facilement une chaine de dépendance en mode poussé (je fabrique un sous-ensemble en flux avec un assemblage final) – avec les mécanismes de délai découplé et de calcul de besoin découplés qui permettent de gérer facilement ces combinaisons très fréquentes dans l’industrie. Organiser ce type de boucle hybride avec un kanban conventionnel est possible, mais de mon expérience bien plus complexe à concevoir et orchestrer.

On peut ajouter plusieurs autres considérations à cette comparaison : système normalisé vs système de kanban électronique propriétaire, tableaux de bord d’analyse de performance historique, capacité de simulation et de projection, priorités relatives, etc. Une boucle DDMRP modernise de manière salutaire le kanban, en facilite le déploiement « end to end », et le rend accessible à toutes les entreprises !

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