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Transformation supply chain : top down ou bottom up ?

Par Bernard Milian
Going Up or Down

La nécessité de rendre les opérations industrielles et de distribution plus agiles et résilientes ne fait plus question. Comment s’y prendre, c’est une autre paire de manches. Dans les entreprises globales on voit émerger des projets de transformation ambitieux, avec souvent deux approches antagonistes.

Soit il s’agit d’un programme groupe, initié par la direction générale, animé par une équipe centrale, doté d’un budget significatif, de ressources internes et externes, et poussé du haut de l’organisation vers les différentes entités, dans une approche « top down ».

Soit il s’agit d’expérimentations réalisées sur le terrain dans un ou deux sites, qui démontrent des résultats et font tache d’huile, dans une approche « bottom up ».

Quels sont les avantages et inconvénients de ces deux approches ? Est-ce qu’il y a une troisième voie ?

L’approche top down.

Cette approche bénéficie d’un avantage évident : l’engagement de la direction derrière le projet est clairement démontré – il y a des ressources dédiées, un budget – souvent significatif – des attentes de résultat, des messages diffusés dans l’organisation, un cadre méthodologique et des solutions technologiques qui sont imposées, un programme de déploiement borné dans le temps est établi.

Les différentes fonctions de l’entreprise – ventes, finance, opérations, R&D – sont tenues d’être impliquées et de soutenir l’initiative, ainsi que les responsables des entités industrielles ou commerciales.

Selon le Project Management Institute, environ 75% des projets échouent : ils ne se déroulent pas dans les temps, dépassent leur budget ou ne délivrent pas les résultats escomptés. De mon observation – non statistiquement représentative mais étayée de multiples exemples vécus – c’est effectivement souvent le cas pour les grandes initiatives de transformation supply chain menées top down.

J’y vois plusieurs raisons récurrentes.

Facteur d’échec n°1 : l’initiative à la mode

Les équipes de direction de grandes entreprises sont soumises à un réseau d’influenceurs dédiés – analystes du type Gartner, grands cabinets de conseil, principaux éditeurs de logiciels – ERP et APS en particulier. Ce sont ces influences qui vont contribuer à la définition de la prochaine grande initiative. Malheureusement trop d’équipes de direction manquent de membres qui soient des spécialistes expérimentés et pragmatiques de la supply chain. Les actionnaires et l’équipe de direction peuvent se laisser bercer par les sirènes des technologies à la mode. La conséquence est d’engager l’entreprise dans un grand projet… qui n’est pas le bon…

Des exemples courants sont le déploiement d’APS centrés sur l’amélioration de la fiabilité des prévisions (avec de l’IA dedans bien sûr), ou du nouveau système ERP groupe. Combien de ces projets respectent les délais, leur budget et surtout délivrent les résultats escomptés ?

Facteur d’échec n°2 : la déconnection du terrain

Lorsque ces grandes initiatives rencontrent la réalité du terrain – les spécificités des différentes lignes de produit, des processus industriels, des modèles de business commerciaux – il y a souvent inadéquation et on essaye d’adapter le système au chausse pied, quand on ne s’embarque pas dans des personnalisations coûteuses qui dévoient l’objectif initial d’une approche groupe.

Facteur d’échec n°3 : résistance et dilution

Une grande partie de la réussite d’une transformation est que les équipes s’approprient les méthodes et solutions technologiques. Le fait que la solution « vienne du siège » peut rebuter et susciter des résistances, explicites ou passives. Trainons les pieds jusqu’à la prochaine initiative venant d’en haut…

N’oublions pas non plus que les équipes opérationnelles sont en permanence tiraillées entre de multiples priorités : les projets d’amélioration, le prochain audit Qualité, le lancement de la nouvelle gamme de produits, la réimplantation du site et la crise du moment.

Facteur d’échec n°4 : l’inconstance

Une entreprise est un organisme en perpétuel mouvement. Les équipes changent. Les managers changent de fonction ou d’entreprise. Une branche est cédée, ou une nouvelle entité rejoint le groupe. Ceci entrave le beau programme de déploiement. Si le programme dure plus de 2 à 3 ans il y a de grands risques que l’environnement ait fortement changé – par exemple de nouveaux venus dans l’équipe de Direction veulent marquer de leur empreinte la trajectoire de l’entreprise. Peut-être l’initiative suivante est-elle sur le point de démarrer, alors que le déploiement précédent est toujours en cours, ou enlisé…

L’approche bottom up.

Dans cette approche une entité de l’entreprise (une usine par exemple) met en œuvre une démarche particulière. Il est plus facile dans ce contexte d’être innovant et de sortir d’un cadre convenu, car on expérimente à petite échelle – les enjeux et risques restent contenus. Venant du terrain, il y a aussi de bonnes chances que les équipes soient fortement impliquées, et les approches très « pratico-pratiques ». Mais cette démarche a aussi ses défauts et risques d’echec.

Facteur d’échec n°1 : le manque de support du groupe

Par définition il s’agit d’une expérimentation. On n’y consacre pas un budget et des ressources significatives, et l’attention de l’équipe de direction du groupe est ailleurs. L’équipe locale doit mener sa bataille en solo quand il s’agit d’obtenir le support requis – par exemple quelques ressources informatiques, ingrédient rare par les temps qui courent.

Facteur d’échec n°2 : rester à un stade expérimental

On voit beaucoup de pilotes qui s’étirent dans le temps, qui délivrent de très bons résultats mais qui restent isolés. Le passage d’un pilote à un déploiement par essaimage n’est pas toujours dans l’ADN de l’entreprise – parfois les sites sont plus en concurrence qu’en collaboration, ce qui ne facilite pas le partage des bonnes pratiques.

Dans nombre de démarches pilotes la transition à un déploiement n’a simplement pas été prévue en amont. On a un pilote qui donne de bons résultats, bon, et maintenant on fait quoi ? Ah zut on n’a pas prévu de budget pour cette année.

Facteur d’échec n°3 : ce n’est pas représentatif

Le premier projet est un succès, mais ça ne couvre pas nos cas d’usage sur d’autres flux. L’expérience acquise par les équipes de ce site n’est pas pertinente pour nos autres sites. Que faire ? Une autre expérimentation ailleurs ? Les mois et les années passent et seulement quelques ilots de transformation sont déployés.

Ne pas oublier aussi que dans la communauté de l’entreprise il va y avoir des supporteurs, et des détracteurs – c’est obligatoire en société –plus le temps passe plus les détracteurs seront affirmatifs : « vous voyez, c’est vraiment un truc limité »…

La troisième voie : une approche hybride

Tout l’enjeu est d’orchestrer bottom up et top down pour arriver à mener une transformation rapide et efficace.

  • Donnez des directions Top Down : quels sont les grands enjeux, les objectifs macro de résultat, la vue heuristique de la supply chain end to end de demain ? Sans oublier de préciser c’est quand « demain » …. Ne visez pas à plus de 2 ans !
  • Favorisez les expérimentations sur différents sites ou portions de flux – en vous assurant qu’il y a suffisamment de variété et de représentativité dans les périmètres. Affectez les ressources à ces projets pour qu’ils soient réalisés efficacement et rapidement. Laissez les équipes locales expérimenter, mais établissez une feuille de route avec les leçons de ces expérimentations.
  • Assurez-vous que ces expérimentations soient suivies au niveau groupe, mettez une saine pression pour qu’ils avancent vite et bien – si vous mettez les ressources adéquates vous êtes en droit d’attendre des résultats. Ayez défini les étapes suivantes : si les expérimentations sont des succès, ayez un budget et une organisation de déploiement déjà pré approuvée, pour ne pas laisser retomber le soufflé.
  • Favorisez les échanges entre sites, les visites de benchmark : vous donnerez envie aux autres sites, et l’envie est un facteur clé de réussite !

Voici le défi : marier la flexibilité et le pragmatisme d’une démarche « bottom up » et accélérer / déployer en « top down », sans que ça prenne des années parce que pendant le chantier la vente continue et le monde change…

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